Comprendre ne résout rien

Souvent, les gens qui arrivent dans mon cabinet me disent “je voudrais comprendre”. Et je leur réponds que comprendre ne sert pas à grand chose, face aux problèmes sur lesquels on bute, dans la vie. Bien souvent, on comprend ce qui s’est passé. Parfois même, on sait de quand ça date, et pourquoi on est comme ça. Mais ça n’aide pas à les résoudre, ni à y trouver une solution…

Donc comprendre ne résout rien !

Parce que l’émotion se fiche de la raison. On a beau essayer de la contrôler, rien n’y fait – Et plus on essaie de maîtriser l’émotion et la peur de cette émotion, et moins on y arrive !

Il nous faudrait juste être capable de la regarder en face – et de la traverser… C’est d’ailleurs ce que dit cette Litanie contre la peur du “Bene Gesserit” dans le roman Dune :

Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur mon chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi.<span class="su-quote-cite">Franck Herbert</span>

Et ça, c’est justement ce que permet l’hypnose !


Pourquoi le fait de comprendre ne résout rien

Publication :

Carolyne JannardComprendre ne résout rien pour Le Huffington Post de Québec
Thérapeute en relation d’aide relationdaidemontreal.com

On a tous rencontré des gens brillants, allumés, sensibles et… malheureux. Quand c’est notre cas, notre problème n’est pas dû à un manque de capacité analytique ou réflective ; loin de là ! Notre problème tient au fait même d’avoir logiquement compris. On a compris la provenance de notre difficulté et, l’ayant compris, la part rationnelle en nous se détend, croyant pouvoir passer à autre chose. C’est là notre principale erreur. C’est l’erreur de la plupart des gens dont le mécanisme de défense favori est la rationalisation. Car pour nous qui sommes des gens « rationnels », il est important de comprendre ! Le problème, c’est que le fait de comprendre ne résout pas la problématique et ne liquide pas l’émotion.

La raison ne transige pas avec l’affect.

D’où le deuxième aspect de la problématique des « rationnels ». Au lieu de souhaiter « éprouver », ressentir consciemment notre souffrance, nous voulons en être débarrassés. Sauf que l’émotion ne se consume pas par la raison. Elle ne transige pas par les mêmes circuits que la raison. Pour éprouver pleinement nos émotions, y compris nos émotions heureuses, il nous faut passer par un autre réseau que celui de la raison et du contrôle (qui n’est bien souvent que de la répression).

Cet autre réseau, tout dans notre société occidental nous en éloigne. C’est celui du « oui à ce que j’éprouve ». Même si ce que j’éprouve semble irrationnel et ne cadre pas avec ce que, d’un point de vue logique, je crois que je « devrais » ressentir. Par définition, le monde de l’affect et de l’émotion ne cadre pas avec celui, bien propre et structuré, de la raison et de la logique. Et c’est cela même qui nous est difficilement acceptable.

Alors on analyse, on comprend et on explique en menus détails ce qui nous arrive. On peut tourner longtemps autour du problème comme ça, sans jamais y pénétrer. Pourquoi, vous demandez-vous ? Parce qu’on a peur. Très peur. Un mécanisme de défense comme la rationalisation ne se met pas en place tout seul ! Il s’est créé dans notre psychisme quand, étant enfants, nous n’avions pas d’autres options. Mais maintenant, c’est différent ! Sauf qu’il nous faut apprendre à ressentir, à nous laisser traverser par la souffrance qui, au contraire de la raison, n’est pas « propre et structurée ».

C’est pourquoi il est judicieux d’être guidé quand on fait cet apprentissage. On n’entrerait pas seul dans une jungle profonde sans la présence d’un guide expérimenté ! C’est la même chose.

La plupart d’entre nous, attendent de vivre le passage obligé de la souffrance intense, de l’anxiété aiguë, de la dépression, de l’impasse physique, sociale ou psychologique pour jeter un œil en nous-même. Ces moments de souffrance qui emplissent tous les aspects de nos vies, nous dévoilent à nous-mêmes et nous obligent à aller à la rencontre de ces affects réprimés qui n’attendent qu’à être libérés, exprimés. Quand cela fait des années que nous « gérons » par le rationnel notre monde affectif, l’apprentissage que représente le fait d’éprouver peut être long, très long ! On se coupe, on ravale, on comprend.

Ces passages sont des occasions de voir en face ce qui nous fait le plus peur. De rencontrer la peur de l’émotion et d’enfin l’éprouver vraiment. Quand ce à quoi on tenait s’écroule – qu’il s’agisse de circonstances concrètes ou de rêves et d’espoirs -, on a une occasion unique de se rapprocher de notre vérité profonde et d’éprouver cet autre circuit qui est celui de l’émotion.