Hypnose. Au coeur du bloc opératoire

 9 mars 2015 à 11h04 / Didier Déniel /

La Bretagne est un pôle de référence en matière de prise en charge adoucie des personnes opérées à l’hôpital. Dans ce cadre, de plus en plus d’anesthésistes, en accord avec leurs patients, choisissent l’hypnose pour certaines interventions chirurgicales. Nous avons suivi l’une d’elles à l’hôpital de Redon (35).

Caroline (*), la quarantaine, a été admise pour un acte gynécologique contraceptif : l’introduction de micro-implants dans les trompes de Fallope (procédé Essure). Vers 10 h, quelques minutes avant d’entrer en salle d’opération, elle écoute attentivement les consignes du docteur Olivier Morla, anesthésiste à l’hôpital de Redon. C’est en 2004 que ce praticien a décidé d’inclure cette technique de modification de la conscience, en substitution des protocoles chimiques habituels en chirurgie, pour des actes légers.

Le patient devient actif

« L’hypnose médicale est pratiquée depuis la nuit des temps, souligne-t-il. Rien à voir avec l’hypnose spectacle. Ici, le patient n’est pas sous la domination du praticien. Il devient actif. » Le médecin anesthésiste a suivi dix jours de formation auprès de l’institut Émergences. « J’ai accompagné beaucoup d’opérations. On essuie peu de refus. Mais ça ne marche pas avec tout le monde. Il faut que la personne soit réellement motivée, confiante et réceptive. » Les portes du bloc opératoire s’ouvrent. Ambiance apaisante. Les gros projecteurs centraux sont éteints. Le matériel a été préparé à l’avance. Pour éviter, par exemple, le son crispant d’une enveloppe plastique qu’on déchire. Plus de bruit. Excepté le bip du monitoring. L’anesthésiste, le chirurgien et les infirmières ne communiqueront plus que par gestes. L’équipe, très soudée, réagit au quart de tour.

Un voyage apaisant

Olivier Morla fait face à la patiente, à la même hauteur. Il lui tient la main. Sa voix se fait douce et régulière. Durant toute l’intervention, il ne va pas cesser de parler à Caroline. En cas d’inconfort, de gêne ou de douleur, il est prévu qu’elle l’alerte en lui serrant deux fois les doigts. La patiente ne bouge pas. Parfois, on surprend même un sourire. Calme qui tranche avec l’activité de l’équipe médicale, laquelle s’affaire derrière le rideau qui empêche Caroline de voir l’intervention. Une demi-heure s’est écoulée. Le chirurgien fait signe qu’il a fini et Olivier Morla reprend sa voix normale. La patiente s’étire comme si elle avait dormi deux jours. Quelques minutes plus tard, on la retrouve dans la salle de réveil. À ses côtés, d’autres personnes opérées avant elle continuent à dormir d’un sommeil artificiel profond. « Tout s’est bien passé, commente Caroline. Comme je l’espérais. Je savais que l’hypnose était pratiquée ici. Après avoir été reçue en consultation, j’ai été contactée au téléphone par le docteur Morla. J’ai trouvé ça très bien. Je n’étais plus un numéro. Sa voix m’a tout de suite mise en confiance. Nous avons convenu d’une sorte de voyage pour que je rentre en transe. » Caroline est allée puiser dans de très beaux souvenirs, ceux de son enfance passée en Guyane. « Je lui ai demandé de me promener au bord d’une crique que je connaissais. J’y étais vraiment. J’ai revu des choses qui étaient complètement enfouies en moi. Une foule de petits détails, de sensations. J’étais avec ma meilleure amie. C’était fort. »

Un petit coin de paradis

À un moment, Caroline a senti une gêne. Dans la seconde qui a suivi, on lui a administré une très faible dose d’analgésique pour accompagner la dilatation du col de l’utérus. « J’ai vu que ça faisait effet tout de suite. Mais je n’en voulais pas davantage, pour ne pas sombrer complètement. » Caroline dit avoir eu du mal à quitter la crique et à monter dans la voiture imaginaire que le docteur Morla avait mise à sa disposition pour quitter ce petit coin de paradis tropical. En fin d’après-midi, Caroline s’occupait à nouveau de ses enfants à Redon. * Il s’agit d’un nom d’emprunt.


 

En complément

Douleur, angoisse : de plus en plus d’indications
Cela fait 30 ans que le psychiatre rennais Claude Virot est convaincu des vertus de l’hypnose, qu’il a découverte au contact de deux confrères parisiens, de retour des États-Unis. « En soignant par l’hypnose, on arrive à diviser par cinq à dix les prises de psychotropes, indique-t-il. C’est très positif pour le bien-être du patient. » Après dix ans d’enthousiasme, de pratique, d’étude et de prosélytisme, il a créé, en 1994, « Émergences », un centre de formation des professionnels de santé à l’hypnose médicale. Au-delà de la sphère des troubles mentaux, la matière a commencé à intéresser les anesthésistes pour les opérations chirurgicales. L’essor breton a alors commencé, voici une dizaine d’années, à Rennes, d’abord (le centre hospitalier privé Saint-Grégoire et la clinique mutualiste de La Sagesse ont ouvert la voie), puis dans d’autres établissements hospitaliers de Bretagne. Surtout dans les Côtes-d’Armor, mais aussi dans le Finistère, le Morbihan et la Loire-Atlantique. Depuis, le besoin de formation a évolué au rythme de la demande des patients, de plus en plus nombreux à être séduits par cette méthode douce et apaisante de thérapie et d’analgésie. « Émergences » a dû faire face à l’explosion des sollicitations hospitalières ou libérales de services d’obstétrique, de chirurgie dentaire, de cabinets infirmiers ou de kinésithérapeutes, et de services d’aide médicale d’urgence.

Dans le stress urgentiste
Franck Garden-Brèche, médecin urgentiste au Samu de Saint-Brieuc (22), a ouvert la voie, voici huit ans. « À l’époque, cette formation n’était pas prise en charge par l’hôpital et j’ai dû la financer moi-même et y consacrer mes congés », raconte-t-il. Depuis, il a démontré, par l’exemple, l’intérêt de cette pratique, notamment sur les accidents de la route. « Dans le bruit, la peur, l’agitation qui caractérisent les interventions des services mobiles d’urgence et de réanimation, l’hypnose permet de gérer la douleur et l’angoisse des blessés », résume-t-il. « Cela permet aussi d’accélérer la perception du temps, au point qu’un blessé coincé dans sa voiture peut avoir l’impression d’y passer vingt minutes quand il y est resté trois heures », explique-t-il.


Des formations en Bretagne

À Rennes et ailleurs
Les 45 intervenants de l’institut Émergences (tous professionnels de santé) forment plus de 500 professionnels de santé par an, dans les locaux rennais du centre ou lors de sessions (initiales, qualifiantes, complémentaires) organisées partout en France. Contact : 6 bis, avenue Louis-Barthou, 35000 Rennes. Tel : 09.62.16.34.17. Fax : 02.23.40.28.74. Mail : – site : www.hypnoses.com

À Brest
Depuis l’an dernier, une formation à l’hypnose est proposée à la faculté de médecine de Brest dans le cadre de la formation continue. À son issue, un diplôme universitaire d’État est délivré. Cette formation s’adresse à tous les professionnels de santé (psychiatres, psychologues mais aussi médecins généralistes, spécialistes, sages-femmes, infirmiers, aide-soignants, dentistes…) Inscriptions : www.univ-brest.fr

Source : © Le Télégramme – Plus d’information sur http://www.letelegramme.fr/france/hypnose-au-coeur-du-bloc-operatoire-07-03-2015-10548708.php