L’imagerie motrice

Musclez votre corps et votre cerveau par la visualisation !

Voilà un article, assez long, que j’apprécie tout particulièrement de porter à votre connaissance pour la puissance de ce que l’on peut faire en cabinet – quand on s’en donne les moyens ! Ce travail de visualisation porte tout particulièrement ses fruits lorsqu’on cherche à agir sur les systèmes de régénération, sur la gestion des douleurs, mais également – et sans surprise – sur la gestion de poids !
… Les neurosciences nous disent que tout ce que le cerveau imagine, il le crée
Et c’est là tout le travail précis et minutieux que l’on va initier en hypnose : cette technique est même, quelque part, à la base du travail que je vais vous proposer au cabinet.


Pour le cerveau, visualiser mentalement un mouvement, c’est presque comme le réaliser “pour de vrai”. Utilisée par les plus grands athlètes afin d’améliorer leurs performances, la pratique de la visualisation peut aussi vous aider en rééducation, après une blessure, ou encore pour soulager des problèmes de santé liés au système nerveux ! Voyons comment utiliser cette technique appelée “imagerie motrice”, et tout ce qu’elle peut vous apporter.

Remémorez-vous un geste sportif que vous maîtrisez bien. Visualisez chaque phase du mouvement avec précision, et cherchez à vous rappeler les sensations qui y sont associées. Vous venez d’expérimenter un processus appelé “imagerie motrice”. Cette technique a longtemps été utilisée par les entraîneurs et les préparateurs mentaux de façon empirique. Depuis les années 1990, elle intéresse de façon croissante les neurophysiologistes.

L’imagerie motrice part du constat que, pour effectuer un mouvement et activer correctement nos muscles, c’est notre cerveau qui va commander les nerfs chargés de réaliser exactement le message envoyé. La force physique et la précision d’un geste dépendant ainsi de l’entraînement du système nerveux autant que de celui des muscles. Soulever des poids lourds permet certes de développer la masse musculaire. Mais ce que l’on sait moins, c’est qu’en parallèle, les neurones vont eux aussi s’adapter afin que le sportif puisse y parvenir.

6 astuces pour bien visualiser
1. Isolez-vous dans une pièce calme et bien éclairée.
2. Choisissez votre angle de vue : vous pouvez choisir d’être une caméra et d’observer une personne effectuer un mouvement avec perfection/vous observer vous-même à la 3ème personne, comme filmé par une caméra/ou vous observer à la 1ère personne, depuis vos propres yeux.
3. Faites appel à vos 5 sens : la scène doit être la plus précise possible. La vivacité est le critère le plus important.
4. Visualisez brièvement et souvent, plutôt que longtemps : en pratiquant peu, mais souvent, vous créerez une habitude.
5. Ajoutez de l’émotion : identifiez l’état émotionnel le plus adapté à votre besoin.
6. Visualisez à vitesse réelle : il est important que la temporalité du mouvement imagé corresponde à celle du mouvement réel.

Il est important de souligner que l’aptitude

à se représenter mentalement un mouvement n’est pas la même d’une personne à une autre. Si vous débutez dans la pratique de l’imagerie mentale, votre aptitude à vous représenter mentalement un mouvement sera moins bonne qu’un “bon” imageur. Il produira une image plus nette de l’action et n’aura pas de difficultés à ressentir les sensations physiques associées au mouvement durant l’imagerie. Mais avec de l’entraînement, vos capacités d’imagerie vont s’améliorer rapidement.
Cette technique ne peut évidemment pas se substituer totalement à la pratique sportive. Aymeric Guillot, chercheur au laboratoire interuniversitaire de biologie de la motricité (LIBM), explique qu’il ne faut pas raisonner en termes de substitution (sauf en cas de blessure ou de surentraînement) mais davantage en termes de complémentarité.
La pratique physique reste le moyen le plus efficace de s’améliorer et de se muscler !

L’efficacité avec laquelle cette impulsion électrique est envoyée et réceptionnée détermine, en grande partie, la force de contraction du muscle. Plus le muscle se contracte entièrement et rapidement, plus il produira de la force. Ainsi, se concentrer sur le mouvement réalisé ou sur les muscles acteurs du mouvement permet d’améliorer l’activation musculaire. C’est ce que nous appelons la connexion neuromusculaire.

L’équivalence neurofonctionnelle

La technique de l’imagerie motrice repose sur le concept d’équivalence neurofonctionnelle: quand nous réalisons un geste, certaines zones du cerveau s’activent. Lorsque nous imaginons ce même mouvement sans le réaliser conjointement, une grande partie de ces régions est tout de même activée. L’imagerie motrice permet, au même titre que la pratique physique, une modification et une réorganisation des connexions au sein du cerveau, ce qu’on appelle la “plasticité cérébrale”.

De nombreuses études scientifiques en neurosciences ont démontré l’intérêt de de travail de visualisation. Citons notamment celle réalisée en 2008 par Hanakawa, Dimyan et Hallett1, dont le schéma en Une de ce numéro d’Alternatif Bien-Être est tiré.

Sur la rangée du haut, les zones en vert indiquent les aires cérébrales activées par l’imagerie motrice.

Sur la seconde rangée, les zones en bleu foncé indiquent les aires cérébrales activées par le mouvement mécanique.

Dans la rangée du bas, les images ont été superposées. Toutes les zones en bleu sont les zones communes, activées à la fois par l’imagerie motrice et la pratique physique.

D’autres recherches ont déjà mis en évidence qu’il est possible d’augmenter et d’optimiser le système nerveux en visualisant à plusieurs reprises une contraction musculaire, sans jamais produire la moindre action mécanique.

Dans une étude menée par la Cleveland Clinic dans l’Ohio, aux Etats-Unis2, le physiologiste de l’exercice Guang Yue et ses collègues ont demandé à 10 volontaires âgés de 20 à 35 ans d’imaginer fléchir un de leurs biceps aussi fort que possible lors de séances d’entraînement de visualisation, cinq fois par semaine. Les chercheurs ont analysé les impulsions électriques au niveau des motoneurones de leurs muscles du bras pendant les séances.

Toutes les deux semaines, la force des muscles des volontaires a été mesurée. Les volontaires qui se sont visualisés en train d’effectuer le mouvement ont montré une augmentation de force de 13,5 % après huit semaines de pratique !

Dans la même université, Brian Clark, professeur de physiologie et de neurosciences et son équipe, ont travaillé avec 29 volontaires qui ont vu leurs poignets plâtrés et immobilisés pendant un mois3. Pendant 11 minutes par jour, 5 fois par semaine, les sujets devaient s’asseoir immobiles et s’imaginer exercer leurs muscles. A la fin du mois, ceux qui s’étaient livrés à cet exercice avaient leurs poignets deux fois plus musclés que ceux qui n’avaient rien fait !

Clark décrit les muscles comme des marionnettes du système nerveux, déplacées par le cerveau qui agit comme des ficelles. Si vous tirez les ficelles même dans votre imagination, explique-t-il, vos muscles réagiront.

Pourquoi pratiquer l’imagerie motrice ?

Le champ d’application de cette technique est très large.
Elle se pratique pour :

  • Développer la technique gestuelle ;
  • Apprendre et améliorer un geste sportif ;
  • Gagner en force et en souplesse ;
  • Augmenter la vitesse d’exécution d’un mouvement ;
  • Optimiser la récupération fonctionnelle (amplitude du mouvement, activation musculaire) ;
  • Gérer son stress, son anxiété, ses émotions ;
  • Gagner en confiance en soi et se motiver ;
  • Créer une projection positive sur un événement futur.

L’imagerie motrice peut donc être utilisée pour améliorer la force, améliorer le contrôle postural chez les personnes âgées, ainsi que pour traiter les personnes qui souffrent de problèmes neurologiques, y compris une lésion de la moelle épinière, la maladie de Parkinson, un AVC ou une fibromyalgie. D’après les chercheurs, elle serait surtout utile pour les personnes qui ont une dysfonction au bras, à la main ou à la jambe.

Sur le plan psychologique, la visualisation permet de travailler à l’acceptation d’une blessure émotionnelle et à la réduction de l’anxiété. Quant aux sportifs blessés, ils utiliseront des exercices d’imagerie spécifiques à la pratique sportive.

Pour aller plus loin

https://editions.totale-sante.com/gas-abf-print/?source=TSA173260001
Vous pouvez visionner gratuitement la vidéo explicative de l’imagerie motrice par la Dr Bernadette de Gasquet, médecin et professeur de yoga spécialiste de la posturologie à l’adresse suivante : https://alternatif-bien-etre.com/gasquet/
ainsi que la conférence TedX d’Aymeric Guillot à l’adresse suivante : https://www.ted.com/talks/aymeric_guillot_l_imagerie_mentale_pour_re_muscler_le_cerveau_et_le_corps

Utilisez vos cinq sens

Pour pratiquer l’imagerie motrice efficacement, il faut décortiquer un mouvement (ou bien détailler un souvenir ou une situation future) en utilisant toutes nos capacités sensorielles. C’est ce que l’on regroupe sous l’acronyme VAKOG : Visuel/Auditif/Kinesthésique/Olfactif/Gustatif. Il est possible d’y ajouter l’aspect proprioceptif (la perception consciente ou non du corps dans l’espace).

Par exemple, utilisez votre sens auditif pour vous rappeler le bruit d’un geste (le moment où le club de golf frappe la balle) ou les bruits, les sons, les voix autour de vous.

Au niveau visuel, remémorez-vous les détails du geste. Vous pouvez vous souvenir des informations de proprioception comme votre posture, vos déplacements, vos muscles (contractés ou relâchés), les articulations lors du mouvement. Il est également possible de se voir en mouvement comme si vous regardiez une video, en étant spectateur. On parle dans ce cas d’imagerie dissociée.

Bien qu’aucun équipement ne soit nécessaire, cette technique nécessite une discipline et un contrôle permanent. C’est la raison pour laquelle je vous conseille de consulter un thérapeute qui devrait pouvoir vous fournir un programme répondant à vos besoins individuels. L’imagerie motrice est peu coûteuse et accessible. Une fois rentré chez vous, vous pouvez continuer ce traitement par vous-même à n’importe quel moment de la journée.

Thomas Mahieu
Coach sportif/santé
actif-coaching.blog

1 Hanakawa T, Dimyan MA, Hallett M, “Motor planning imagery and execution in the distributed motor network : a time-course study with functional MRI”, Cereb Cortex, 2008 Dec;18(12):2775-88.doi: 10.1093/cercor/bhn036. Epub 2008 Mar 20. PMID:18359777 ; PMC2583155. https://api.semanticscholar.org/CorpusID:14869810

2 Yue, Guang H. “Effets of Mental Training on Voluntary Muscle Strengh in Aging”, 2013 https://grantome.com/grant/NIH/R01-NS035130-08

3 Brian C. Clark, Niladri K. Mhahato, et al., “The power of the mind : the cortex as a critical determinant of muscle streght/weakness”, Control of movement, december 2014, https://doi.org/10.1152/jn.00386.2014

Source : Alternatif bien-être – n° 180 – Septembre 2021